Com­ment Méta­bief se pré­pare à la fin du ski

Baisse de l’enneigement, disparition des hébergements touristiques, hausse de la population transfrontalière :
les défis de la transition de Métabief

La sta­tion de moyenne mon­tagne située dans le mas­sif jurassien entre 900 et 1 430 mètres souf­fre hiv­er après hiv­er du manque de neige, sous l’effet du change­ment cli­ma­tique qui s’intensifie. Elle a démar­ré il y a dix ans sa tran­si­tion : un proces­sus long et dif­fi­cile mais indis­pens­able pour con­tin­uer à exis­ter.

Par Con­cep­cion Alvarez, jour­nal­iste spé­cial­isée dans la tran­si­tion écologique

Pub­lié le 19 mars 2025

Temps de lec­ture : 15 min

A la descente de mon TGV en gare de Frasnes, petite com­mune du Doubs, je lève immé­di­ate­ment la tête dans l’espoir d’apercevoir des pics enneigés. Je suis surtout éblouie par un grand soleil. Il fait 12°C à la mi-journée en ce début du mois de mars. Et ici, à 800 mètres d’altitude, il n’y a guère de neige. Sur le tra­jet jusqu’à Méta­bief, qui dure une ving­taine de min­utes en voiture, j’aperçois plusieurs pan­neaux pro­posant des skis et des raque­ttes à la loca­tion. Mais tou­jours pas de neige à l’horizon. Bien au con­traire : tout est vert à perte de vue.

Ce n’est qu’en arrivant au pied des pistes qu’enfin je la vois. Plus exacte­ment, au milieu des champs et des rangées d’épicéas, deux longues ban­des blanch­es s’étirent jusqu’au som­met de la sta­tion, le Morond, situé à 1 420 mètres d’altitude. En cette dernière semaine de vacances d’hiver, des familles avec des enfants en bas âge et des groupes sco­laires font la queue aux tire-fess­es. Les skieurs les plus chevron­nés descen­dent la piste rouge en face de nous, l’une des seules ouvertes en cette péri­ode.

“En ce moment, nous avons 12 kilo­mètres de pistes ouvertes sur 26. Ce sont unique­ment celles qui sont équipées d’enneigeurs. La sta­tion en compte une cen­taine. Sans eux, elle ne pour­rait tout sim­ple­ment pas ouvrir”, nous explique en guise d’introduction Julien Vrignon, chargé de pro­jets européens et tran­si­tions au sein du Syn­di­cat Mixte du Mont d’Or (SMMO), qui exploite les remon­tées mécaniques de la sta­tion de Méta­bief. Celle-ci subit déjà les assauts du change­ment cli­ma­tique. “Depuis le début des années 2000, la tem­péra­ture moyenne à Méta­bief ne descend pas sous 0°C”, con­firme Julien Vrignon. Sous l’effet du change­ment cli­ma­tique, l’enneigement à Méta­bief a en effet forte­ment dimin­ué et la tem­péra­ture hiver­nale a aug­men­té de 1,5°C en vingt ans.

Le renoncement

 

Cela a poussé la sta­tion à pren­dre une déci­sion majeure en 2015 : ne pas inve­stir dans deux nou­veaux télésièges (15 mil­lions d’euros), logique qui pré­valait à l’époque pour rem­plac­er le matériel vieil­lis­sant. In fine, cela sig­ni­fie ne plus inve­stir dans le développe­ment du ski. C’est un pre­mier coup de mas­sue. “Le pre­mier renon­ce­ment”, con­firme Philippe Alpy, prési­dent du SMMO et vice-prési­dent Hori­zons du con­seil départe­men­tal. “On a fait nos cal­culs et on a vu qu’en rai­son du manque de neige et du change­ment cli­ma­tique, le coût de ces nou­velles remon­tées mécaniques ne serait pas amor­ti car nous n’avions pas vingt ans de neige assurée. Ça a été très dur comme déci­sion, ça a vrai­ment été un deuil pour cer­tains. Mais c’est aus­si notre respon­s­abil­ité en tant que poli­tiques de penser aux généra­tions futures”, explique l’élu.

Fin potentielle de l’activité ski alpin pour 2030–35

C’est alors que com­mence la tran­si­tion écologique et sociale de Méta­bief, orchestrée par Olivi­er Erard, glacio­logue de for­ma­tion et directeur du SMMO de 2012 à 2024 – expéri­ence qui a lui a inspiré un livre, Le Passeur aux édi­tions Inverse. Des études prospec­tives con­fir­ment ce qui était pressen­ti : à l’horizon 2030–3035, il n’y aura plus de neige naturelle sur les par­ties bass­es du domaine et les plages de froid ne seront pas non plus suff­isantes pour fab­ri­quer de la neige arti­fi­cielle. A Méta­bief, celle-ci est pro­duite entre ‑3 et ‑4 degrés. C’est pourquoi le SMMO décide d’acter une fin poten­tielle de l’activité de ski alpin pour 2030–35.

“Méta­bief c’était LA sta­tion de ski dans le départe­ment. C’était de la neige, de la neige, de la neige, jusqu’à Pon­tar­li­er (à une ving­taine de kilo­mètres, ndr), se sou­vient Corinne Tis­sot, respon­s­able caisse et bil­let­terie, salariée du SMMO depuis 31 ans. Là ça devrait débor­der de partout, on est en vacances sco­laires dans notre zone, le park­ing devrait être plein, on devrait avoir de longues files d’attente aux caiss­es. Et ce n’est pas le cas, il faut se ren­dre à l’évidence et être raisonnables”, explique-t-elle avec beau­coup de lucid­ité. “Méta­bief a encore une longue vie devant elle mais ça ne passera plus que par le ski”, recon­naît celle qui a eu son déclic éco­lo il y a trois ans.

En atten­dant la fin du ski, la pri­or­ité reste de main­tenir l’activité ski le plus longtemps pos­si­ble mais pas à n’importe quel prix. Plutôt que d’injecter des mil­lions d’euros dans de nou­veaux télésièges, la sta­tion décide d’investir dans une tech­nolo­gie inno­vante de main­te­nance des remon­tées mécaniques, datant pour la plu­part des années 80. De quoi gag­n­er un peu de temps. Un pôle ingénierie de tran­si­tion est aus­si créé en 2019 pour ren­forcer les com­pé­tences des tech­ni­ciens en interne et gag­n­er en agilité afin de s’adapter à la diver­si­fi­ca­tion des activ­ités hors ski dans la sta­tion. En 2022, la luge d’été est rem­placée par une luge sur rails toute sai­son, la pra­tique du VTT, pro­posée depuis les années 90, est améliorée et étof­fée. La part hors ski du chiffre d’affaires passe ain­si en quelques années de 10 à 30% en moyenne. Mais la sta­tion reste encore majori­taire­ment dépen­dante du ski alpin.

 La crise

 

Les hivers se suiv­ent et se ressem­blent : la neige n’est plus au ren­dez-vous. L’hiver 2023/2024 est par­ti­c­ulière­ment cat­a­strophique. La sta­tion n’a pu ouvrir ses pistes que 70 jours, et n’aurait pu ouvrir que cinq jours sans la neige de cul­ture. Le nom­bre de journées skieurs a été divisé par trois, pas­sant d’une moyenne de 200 000 à 65 000 cette année-là. Les comptes de la sta­tion sont dans le rouge, avec un déficit qui atteint plus de trois mil­lions d’euros. Le couperet tombe : le 12 sep­tem­bre 2024, le départe­ment et le SMMO déci­dent – à l’unanimité – de fer­mer une par­tie du domaine ski­able dès la sai­son 2024/2025.

Il s’agit du secteur de Piquemiette (à gauche sur la carte ci-dessous), de ses cinq remon­tées mécaniques et ses huit pistes. Il représente 20% des recettes, 30% du domaine ski­able mais 40% des charges. “Ça a été un véri­ta­ble crève-cœur mais c’était un choix rationnel et objec­tif car économique­ment, ce n’était pas le secteur le plus intéres­sant”, assume Julien Vrignon. Piquemiette était le secteur le plus pen­tu, celui qui con­cen­trait les pistes rouges et noires, prin­ci­pale­ment affec­tion­nées par les locaux.

Pour les habi­tants et les com­merçants, c’est la douche froide. Ils entendaient par­ler de tran­si­tion depuis une dizaine d’années mais ne pen­saient pas que cela arriverait aus­si vite. Cer­tains dénon­cent “un scan­dale” et une déci­sion “prise sans con­cer­ta­tion”. Une péti­tion est lancée, signée par plus de 7 000 per­son­nes. “Nous deman­dons aux élus de tenir leurs promess­es d’as­sur­er la tran­si­tion cli­ma­tique sans bru­tal­ité. Il aurait été cor­rect et humain de prévenir les com­merçants et skieurs au moins un an avant la fer­me­ture. Ce sont des emplois, des com­merces et des vies qui sont men­acés suite à cette déci­sion bru­tale !”, s’insurgent les habi­tants et les com­merçants. Plusieurs réu­nions publiques sont organ­isées. Elles sont si houleuses qu’elles néces­si­tent l’intervention de la gen­darmerie.

“La péri­ode a été très vio­lente, de l’ordre du trau­ma­tisme pour cer­tains de nos salariés”, se sou­vient Del­phine Gre­sard, la respon­s­able RH du Syn­di­cat mixte du Mont d’Or (SMMO), native de la région et salariée de l’entreprise depuis 11 ans. “Nous avons mis à dis­po­si­tion une psy­cho­logue pour gér­er cette crise”, ajoute-t-elle. Dans le vil­lage, six mois plus tard, la ten­sion reste vive quand on tente d’aborder le sujet. “Arrêtez de nous faire de la mau­vaise pub­lic­ité en par­lant de la fin du ski et de la fer­me­ture de Piquemiette”, lance Danielle Biesse qui tient l’un des huit mag­a­sins de loca­tions de ski du coin.

Du côté des skieurs, c’est plutôt la résilience qui sem­ble régn­er. “C’est embê­tant, oui, cette fer­me­ture de Piquemiette parce qu’on est un peu restreints mais c’est déjà mieux que l’année dernière où il n’y avait pas de neige du tout”, nuance Claire, venue en famille du départe­ment voisin, la Côte d’Or, avec sa fille de 19 ans, Lau­ranne. Elle a appris à ski­er ici. “On con­tin­uera sûre­ment à venir parce que ça n’est pas loin de chez nous, c’est une sta­tion famil­iale, pas trop bondée et que les pistes sont agréables”, explique la mère de famille. “Nous venons ici chaque année car nous avons de la famille dans la région et que c’est adap­té à nos enfants qui débu­tent”, abonde une autre skieuse.

Avec cette déci­sion choc, la sta­tion de Méta­bief acte son nou­veau posi­tion­nement : pro­pos­er une offre de ski pour les débu­tants et les familles. “Nous sommes à un moment de l’histoire où on va devoir démon­ter pro­gres­sive­ment les remon­tées là où on ne peut plus pour­suiv­re l’activité ski alpin. C’est un proces­sus qui témoigne que nous sommes bien dans la tran­si­tion”, affirme Philippe Alpy, qui regrette avoir dû affron­ter les attaques d’élus par­fois un peu “rugueux”. “Il y a eu un temps puis­sant où on fai­sait en trois mois le chiffre d’affaires de l’année. Ça c’était hier”, pour­suit l’élu. “On ne rem­plac­era pas totale­ment le ski et on ne com­pensera jamais les pertes induites qui sont de 50 à 60%. Les ordres de grandeur sont abyssaux, il va fal­loir l’accepter”, abonde Julien Vrignon. 

La transition

 

Rien ne rem­plac­era la neige, le con­stat est clair et net. Mais à par­tir de là, que faire ? “Nous n’avions pas de solu­tion toute faite ou mir­a­cle. Notre recom­man­da­tion a plutôt con­sisté à s’ouvrir sur le ter­ri­toire”, explique Claire Lebois­se­li­er, cheffe de pro­jet Tran­si­tion à Méta­bief. Son poste, créé en 2022, est financé par Avenir Mon­tagnes, un pro­gramme d’Etat mis en place après le Covid pour aider les des­ti­na­tions touris­tiques à retra­vailler leur mod­èle en fonc­tion du change­ment cli­ma­tique. 62 ter­ri­toires sont actuelle­ment soutenus, dont Méta­bief.

“Ce n’est pas la station qui fait le territoire mais le territoire qui fait la station”

Pre­mier chantier : embar­quer l’ensemble des acteurs du tourisme et des loisirs du Haut-Doubs dans cette tran­si­tion. Le leit­mo­tiv devient alors celui-ci : “ce n’est pas la sta­tion qui fait le ter­ri­toire mais le ter­ri­toire qui fait la sta­tion”. L’ancienne con­sul­tante, spé­cial­iste de la tran­si­tion et de l’ingénierie rela­tion­nelle, mène des dizaines d’entretiens anthro­pologiques autour de la notion de “tourisme” pour com­pren­dre les enjeux et les prob­lé­ma­tiques du ter­ri­toire et organ­ise des ate­liers de tra­vail réu­nis­sant jusqu’à 150 per­son­nes. “Très vite, je m’aperçois que la neige n’est pas le souci pre­mier, c’est la face cachée de l’iceberg, con­fie Claire Lebois­se­li­er. Ce qui revient le plus au cours de ces échanges c’est la hausse de la pop­u­la­tion”, explique-t-elle.

La par­tic­u­lar­ité de Méta­bief est que la com­mune se situe à quelques kilo­mètres seule­ment de la Suisse. Les trans­frontal­iers, qui tra­vail­lent en Suisse mais vivent en France, sont nom­breux à vouloir s’y installer. Des loge­ments autre­fois dédiés au tourisme y sont désor­mais loués à l’année. C’est le cas notam­ment des pagotins, ces petits chalets en bois au toit tri­an­gu­laire, situés à l’entrée du vil­lage et con­stru­its dans les années 70 pour accueil­lir les skieurs. Plus glob­ale­ment, dans le Haut-Doubs, on compte près de 10 000 habi­tants sup­plé­men­taires sur les dix dernières années en rai­son de cette attrac­tiv­ité avec la Suisse. Dans le même temps, plus de 20% des lits marchands pro­fes­sion­nels du ter­ri­toire ont dis­paru, avec un impact fort sur l’activité touris­tique, qui vient s’ajouter au manque de neige.

Pour faire face à la fois aux pres­sions cli­ma­tiques et envi­ron­nemen­tales mais aus­si à ces pres­sions démo­graphiques, un sché­ma directeur de la tran­si­tion du tourisme et des loisirs du Haut-Doubs, rebap­tisé Mas­ter­plan, est lancé. “C’est un doc­u­ment de pro­gram­ma­tion sur quinze ans qui pro­pose 32 fich­es action”, détaille Claire Lebois­se­li­er. Par­mi elles, il y a notam­ment l’accompagnement des acteurs publics et privés pour lim­iter la perte des héberge­ments touris­tiques à tra­vers, par exem­ple, la mise en place d’une taxe moins élevée sur ce type de loge­ments. Il y a aus­si la réha­bil­i­ta­tion de cer­tains sites touris­tiques.

“Avec la transition, il n’y aura pas de drame social”

Con­cer­nant les emplois, une com­mu­nauté d’acteurs, là aus­si privés et publics, est mise en place pour créer des syn­er­gies et des passerelles pour les salariés. “Nous tra­vail­lons actuelle­ment à la mise en place d’une mar­que employeur com­mune avec un référen­tiel QVCT (Qual­ité de vie et des con­di­tions de tra­vail) com­mun, pré­cise Del­phine Gre­sard, la RRH du SMMO. Ce n’est pas juste du brand­ing, l’enjeu est d’aller le plus loin pos­si­ble en ter­mes de coopéra­tion afin de créer un mail­lage social. Le ter­ri­toire est très riche, très dynamique, avec des com­pé­tences tech­niques très demandées. Avec la tran­si­tion, il n’y aura pas de drame social”, assure-t-elle.

Un autre groupe de tra­vail a été mis en place sur la tran­si­tion de l’activité nordique (ski de fond, raque­ttes, biathlon, marche nordique) encore plus affec­tée que le ski alpin et très forte­ment ancrée dans l’identité locale. Il est piloté par l’Espace nordique jurassien (ENJ) qui fédère tous les acteurs du nordique sur trois départe­ments, l’Ain, le Jura et le Doubs. L’idée est de les fédér­er aus­si sur les activ­ités hors-neige. “Je m’aperçois que les gens ont une grande capac­ité d’adaptation. Avant par exem­ple, il fal­lait absol­u­ment une bande de cinq mètres de large pour le ski de fond, main­tenant avec trois mètres on est con­tents. Pour le biathlon, s’il n’y a pas  assez de neige, on switche sur des skis à roulettes. Que ce soient les pro­fes­sion­nels, les locaux ou les touristes, on se rend compte qu’ils font avec, qu’il y ait un peu, beau­coup ou pas du tout de neige. Le change­ment cli­ma­tique n’est pas un obsta­cle. Et il ne pour­ra jamais chang­er le fait que nous sommes le bal­con du Lac Léman et du Mont-Blanc. Cela nous donne un sacré avan­tage”, assure Car­ole Maréchal, direc­trice de l’ENJ.

“L’enjeu désor­mais est d’activer les dif­férents groupes de tra­vail pour pass­er le relais”, con­clut Claire Lebois­se­li­er, dont le con­trat se ter­mine à la fin de l’année. Elle ressent une extrême fierté face au tra­vail accom­pli même si, dix ans après le début de la tran­si­tion, celle-ci est encore loin d’être achevée. “Il y a un côté émo­tion­nel très fort quand on par­le de la fin du ski, qui empêche d’être dans l’action, qui pousse à chercher des boucs émis­saires. Fédér­er les gens est dif­fi­cile mais on ne pour­ra pas faire à leur place”, rap­pelle-t-elle.

Un pionnier

Du côté des com­merçants mécon­tents, la tran­si­tion sem­ble aus­si faire son bout de chemin. “Au moment de la fer­me­ture de Piquemiette, nous avons remis sur pied une asso­ci­a­tion de com­merçants pour dif­fuser notre péti­tion. Là, on vient de lancer une carte de fidél­ité com­mune à nos dif­férents mag­a­sins. Finale­ment il n’y a pas que du mau­vais dans tout ça”, recon­naît Danielle Biesse, dont le chiffre d’affaires de la sai­son est plutôt bon. Il faut dire qu’elle est très bien située, à quelques mètres seule­ment du park­ing cen­tral, au pied des pistes.

Alors que la journée est par­ti­c­ulière­ment douce et ensoleil­lée, les ter­rass­es et les transats sont bondés à l’heure du déje­uner. Même con­stat du côté de Méta­bief Aven­tures, qui se revendique comme “le plus grand parc de loisirs de mon­tagne du Jura”. Ouvert désor­mais toute l’année, il s’est agran­di pour pro­pos­er des alter­na­tives à l’accrobranche pra­tiqué au print­emps et en été : filets sus­pendus entre les arbres et tobog­gans, labyrinthe escape game, cir­cuit sur les mines de fer, glis­sades en bouée. Le site fait le plein en ce mer­cre­di de vacances sco­laires. On entend même une vis­i­teuse van­ter auprès de son amie que “Méta­bief est passé à la télé”. “Il paraît que c’est la sta­tion qui s’est le mieux réin­ven­tée face au manque de neige”, glisse-t-elle.

“C’est la station qui a assumé la fin du ski le plus tôt et qui en a presque fait sa marque de fabrique”

Un con­stat partagé notam­ment par la Cour des comptes dans un rap­port sur la vul­néra­bil­ité des sta­tions de mon­tagne face au change­ment cli­ma­tique, pub­lié en févri­er 2024 et qui avait fait grand bruit. Méta­bief y est cité en exem­ple. “C’est la sta­tion qui a assumé la fin du ski le plus tôt et qui en a presque fait sa mar­que de fab­rique, con­firme auprès de Noveth­ic Vin­cent Neir­inck, expert en pro­tec­tion de la mon­tagne, con­seiller stratégie et rela­tions insti­tu­tion­nelles de Moun­tain Wilder­ness France. Ils ont mis les pieds dans le plat et c’est remar­quable.”

Face à l’accélération du change­ment cli­ma­tique, la même réal­ité s’impose à d’autres sta­tions. La sta­tion de La Plagne, en Savoie, a démon­té en 2023 les remon­tées mécaniques situées sur le glac­i­er his­torique de la Chi­aupe, réduisant de quelques hectares son domaine ski­able. Quelques mois plus tôt, le Tri­bunal admin­is­tratif de Greno­ble avait annulé le sché­ma de cohérence ter­ri­to­ri­ale (Scot) du pays de Mau­ri­enne qui prévoy­ait la créa­tion de 22 800 lits nou­veaux à l’horizon 2030. La con­struc­tion de deux Club Med au Grand Bor­nant et à La Clusaz et d’une liai­son entre les deux domaines ont de leur côté été aban­don­nées. La ville de Cha­monix vient aus­si d’annoncer qu’elle allait inter­dire toute nou­velle con­struc­tion de rési­dences sec­ondaires dans son futur plan local d’urbanisme. Et à Tignes, le slo­gan “365 jours de ski par an” et la créa­tion d’un ski dôme ont été rem­placés par “Imag­i­nons Tignes 2050” avec un accent mis sur le poten­tiel de développe­ment l’été.

“La montagne, ce n’est pas qu’une piste blanche avec des skieurs dessus”

“Plusieurs sig­naux mon­trent une évo­lu­tion des men­tal­ités et une dynamique intéres­sante vers la tran­si­tion, pour­suit Vin­cent Neir­inck. On ne demande pas que toutes les sta­tions de ski soient fer­mées mais plutôt de miser sur ce qui marche déjà pour faire évoluer le mod­èle de manière dif­féren­ciée, ter­ri­toire par ter­ri­toire. Il faut tra­vailler sur les imag­i­naires : la mon­tagne, ce n’est pas qu’une piste blanche avec des skieurs dessus comme on le voit encore trop sou­vent sur les pub­lic­ités.”

Le Plan nation­al d’adaptation au change­ment cli­ma­tique (PNAAC 3), dont la ver­sion finale vient d’être dévoilée par le gou­verne­ment, prévoit plusieurs mesures pour la mon­tagne. Il pro­pose de dress­er dès 2026 un bilan des investisse­ments co-financés par le fonds Avenir Mon­tagnes, de met­tre en place un obser­va­toire des vul­néra­bil­ités en mon­tagne et de con­di­tion­ner tout sou­tien pub­lic à l’investissement dans les mas­sifs mon­tag­neux au con­tenu de leurs plans stratégiques d’adaptation. Une ambi­tion qui vient toute­fois se heurter à l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver dans les Alpes français­es en 2030. A Méta­bief en tout cas, les yeux ne sont plus seule­ment rivés sur les pistes de ski enneigées.